DISCOURS DU MAIRE A LA COMMÉMORATION DE L’ARMISTICE DU 11 NOVEMBRE 1918 A LA CROISILLE-SUR-BRIANCE. (En Français et ensuite en Anglais)
Mesdames et messieurs les élu·es,
Messieurs les porte-drapeaux,
Mesdames et messieurs les représentants des pompiers
Mesdames et Messieurs les représentants de la communauté anglaise de La Croisille
Mesdames et Messieurs chers amis
Le 11 novembre célèbre la fin des combats et la paix retrouvée. L’hommage aux soldats morts pour la France et pour l’Angleterre est l’occasion de se souvenir et d’inviter à la réflexion en tirant des leçons pour demain.
« Parce qu’un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir.» Cette citation du Maréchal Ferdinand Foch résume à elle-seule la raison et surtout la nécessité de notre présence ici aujourd’hui.
Nous célébrons l’arrêt des combats d’une guerre déclenchée en 1914 et qui devait se terminer quatre ans plus tard, le lundi 11 novembre 1918 à 11 heures du matin.
Quatre ans d’horreur, de morts et de meurtrissures. Quatre ans du sacrifice de toute une classe d’âge.
Si nous sommes réunis, c’est bien davantage pour honorer notre devoir de mémoire que pour célébrer une victoire qui, au fil du temps, s’est empreinte d’un goût amer.
En effet, comment parler de victoire lorsque l’on dénombre dans notre pays, au lendemain de la guerre, 8 millions et demi de morts – un quart des hommes de 18 à 35 ans sont morts dans ce conflit ! -, 21 millions de blessés, 6 millions d’invalides, 4 millions de veuves, 8 millions d’orphelins.
Comment parler de victoire lorsque l’on sait que cette guerre a définitivement démontré à l’humanité que le progrès technique et industriel auxquels elle faisait confiance pour l’amener vers le bonheur pouvait être aussi le moyen de tuer, de mutiler, de détruire plus loin, plus vite et plus fort.
Et comment parler de victoire quand, vingt ans après, la même tragédie recommençait, plus intense encore.
La « Grande Guerre » ne fût pas la « der des der » comme se l’étaient jurés les Poilus revenus de l’enfer des tranchées.
Lucide au soir du 11 novembre 1918, Georges Clémenceau aurait confié au général Mordacq : « Nous avons gagné la guerre et non sans peine. Maintenant il va falloir gagner la paix, et ce sera peut-être encore plus difficile. » Il parlait vrai.
Les traités signés avec l’Allemagne vaincue et organisant sa spoliation portaient en eux les germes de la Seconde Guerre mondiale.
S’il nous fallait tirer une leçon en nous recueillant chaque année au pied du monument aux Morts de La Croisille avec nos amis anglais, c’est bien que la paix n’est jamais acquise. Elle se mérite et se protège en permanence.
Gardons notre conscience de l’Histoire car aujourd’hui encore, personne ne peut affirmer que le monde soit devenu plus sage.
Nombre de conflits existent et d’autres sont latents, liés à des tensions bien connues : captation des ressources, conflit de religions, lutte de territoire, terrorisme…
Russie, Chine et Etats-Unis s’affrontent à distance et sur plusieurs terrains. Les pays du Golfe persique arment les belligérants des différents conflits qui meurtrissent le Moyen-Orient.
La Turquie fait cavalier seul dans le jeu des équilibres géostratégiques. La Chine et l’Inde montrent « leurs muscles » à leur frontière commune…
Tandis que la planète se réarme. Selon une étude de l’Institut international de recherche sur la paix (Sipri), les ventes d’armes ont crû de 6 % en volume entre 2015 et 2020 par rapport aux quatre années précédentes. Un taux en hausse constante depuis 2003.
Notre pays, la France, paie le prix du sang pour maintenir la paix dans certaines parties du monde.
Ces dix dernières années, 89 soldats français ont été tués en Afghanistan, et 45 autres ont trouvé la mort dans le cadre des opérations militaires au Mali.
Le bilan est lourd. Cette commémoration est aussi l’occasion de leur rendre hommage.
Gagner la paix sera plus difficile encore, disait Clémenceau. Je crains qu’il ait raison aujourd’hui autant qu’hier.
Tout ceci doit nous alerter quant aux conséquences de la volonté de ceux qui prônent le retour des « barrières » de toutes sortes et le chacun pour soi, en un mot le recroquevillement dogmatique unilatéral.
Je suis convaincu que la paix se gagne ensemble et non pas individuellement.
Je suis convaincu également que ce n’est pas en revenant en arrière que l’on surmonte les difficultés.
« C’est en allant vers la mer que le fleuve est fidèle à sa source », disait Jean Jaurès.
C’est aussi en transmettant notre Histoire que nous conserverons la paix.
Aujourd’hui il ne s’agit plus de commémorer la gloire et l’héroïsme, mais de se souvenir du malheur aveugle des années de guerre et des raisons qui y mènent pour tenir à distance les bruits de bottes.
Nous qui n’avons pas traversé ces épreuves, nous devons prendre la mesure de cet héritage car c’est en regardant le passé avec ses gloires, ses blessures, que nous prenons encore davantage conscience de nous-mêmes, de notre capacité à maîtriser notre destin.
Tournons-nous vers l’avenir sans oublier le passé.
C’est en conservant la paix que nous serons fidèles à ceux pour qui le 11 novembre 1918 sonna comme une délivrance.
Vive la paix. Vive la République. Vive la France.
Jean-Gérard Didierre
La Croisille-sur-Briance
Le 11 Novembre 2021
THE MAYOR’S SPEECH AT THE
REMEMBRANCE SERVICE OF 11 NOVEMBER 1918
AT LA CROISILLE-SUR-BRIANCE
Ladies and gentlemen, councillors, flag-carriers, representatives of the fire brigade and the gendarmerie, representatives of La Croisille’s British and Irish communities, to all of you, dear friends.
The 11th November commemorates the end of the fighting and re-found peace. This tribute to the soldiers who died for France is an occasion for us to remember and to reflect on the past, drawing from it lessons for tomorrow.
« Because a man without memory is a man without life, a people without memory is a people without a future. » This quote from Marshal Ferdinand Foch sums up the reason and above all the necessity for our presence here today.
We are celebrating the end of the fighting in a war that started in 1914 and was to end four years later, Monday 11th November 1918, at 11am.
Four years of horror, of death and injury. Four years of the sacrifice of an entire generation.
If we are gathered here, it is more to fulfil our duty to remember than to celebrate a victory, which, over the course of time, has acquired a bitter taste.
Indeed, how can we speak of victory when, in the aftermath of the war, we could count eight and a half million dead in our country – a quarter of the men aged between 18 and 35 died in this conflict! 21 million wounded, 6 million invalids, 4 million widows, 8 million orphans.
How can we speak of victory when we know that this war definitively demonstrated to humanity that the technical and industrial progress in which people trusted to bring them happiness could also be the means of killing them, mutilating, destroying – further, faster and harder.
And how can we speak of victory, when twenty years later, the same tragedy is happening again, more intensely than before.
The “Great War” was not the “war to end all wars” as sworn by the troops returning from the hell of the trenches.
Lucid on the evening of 11th November 1918, Georges Clémenceau is said to have told General Mordacq: “We have won the war and not without difficulty. Now we have to win the peace, and that will perhaps be more difficult.” He was speaking the truth. The treaties signed with defeated Germany, determining its reparations sowed the seeds of the Second World War.
If there is one lesson to be learned from standing at the foot of the war memorial in La Croisille each year with our British and Irish friends, it is that peace can never be taken for granted. It must be earned and protected at all times.
Let us keep our awareness of history because still, today, nobody can say that the world has become wiser.
Many conflicts exist and others lie dormant, linked to well-known tensions: resource ownership, religious battles, territorial arguments, terrorism…
Russia, China and the United States are fighting each other from a distance and on several fronts. The Gulf States are arming the enemies in the different conflicts that are ravaging the Middle East.
Turkey is going it alone in a game of geostrategic balance. China and India display their ‘muscles’ along their shared border.
Meanwhile the world is re-arming. According to a study by the Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), sales of arms grew by 6% in volume between 2015 and 2020 in relation to the four preceding years. This rate has been rising steadily since 2003.
Our country, France, is paying the price in blood for keeping the peace in some parts of the world.
In the last 10 years, 89 French soldiers have been killed in Afghanistan and 45 others have been killed in the military operations in Mali.
The toll is heavy. This commemoration is also an occasion to pay respect to them.
Winning the peace will be even more difficult, said Clémenceau. I fear that he is as right today as he was yesterday.
All this should alert us to the consequences of the will of those who advocate the return of ‘barriers’ of all types and the ‘every man for himself’ attitude, in a phrase, unilateral dogmatic cowering.
I am convinced that peace is won together, not individually.
I am equally convinced that it is not by going backwards that we overcome difficulties.
“It is by going to the sea that the river is faithful to its source,” said Jean Jaurès.
It is also by passing on our history that we will keep the peace.
Today it is no longer a case of commemorating glory and heroism, but also remembering the indiscriminate misfortune of the war years and the reasons behind it, in order to keep the noise of boots at bay.
We, who have not gone through these trials, we must take stock of this legacy, for it is by looking at the past with its glories, its wounds, that we become more aware of ourselves, our capacity to control our own destiny.
Let us look to the future without forgetting the past.
It is by keeping the peace that we will be loyal to those for whom the
11th November 1918 rang as a deliverance.
Long live peace. Long live the Republic. Long live France.
Jean-Gérard Didierre
La Croisille-sur-Briance
11th November 2021