Le 11 novembre 1918, à 5 heures 15, les généraux allemands et alliés signaient l’armistice dans la clairière de Rethondes, en forêt de Compiègne.
A 11 heures, le cessez-le-feu devenait effectif et la France pouvait célébrer la victoire, qui était aussi la revanche de 1870 sur ceux qu’on appelait alors les Prussiens.
Partout, les clairons retentirent et les cloches des églises se mirent à sonner. Cinq années de guerre totale prenaient fin. Sans nul doute, jamais ne vit on une nation communier toute entière dans une aussi grande ferveur.
Avec la joie des vainqueurs, contrastait également la tristesse de tous ceux qui célébraient cette victoire dans la douleur causée par la perte d’un proche.
Pour les centaines de milliers de veuves et d’orphelins de cette Grande Guerre, le deuil succédait au silence des armes.
A Paris, le 11 novembre, la Chambre et le Sénat firent un triomphe à Clémenceau, l’homme qui incarnait ce jour-là, la victoire. Après leur avoir lu les conditions d’armistice, le « Tigre » s’adressa aux parlementaires en ces termes : « Au nom du peuple français, au nom du gouvernement de la République Française, j’adresse le salut de la France une et indivisible à l’Alsace et à la Lorraine que nous avions perdu en 70 ».
99 ans après la fin de ces dramatiques événements, la France se souvient du sacrifice de ses enfants et n’oublie pas celui de tous les hommes venus d’ailleurs pour mourir sur notre sol.
Notre pays se recueille, notre pays pense à celles et ceux tombés au champ d’honneur.
Quand en 1922, le législateur instaura le 11 novembre, un jour férié dédié à la commémoration de la victoire, il était sans doute loin d’imaginer qu’au siècle suivant, des citoyens se réuniraient encore dans toute la France, en souvenir de tous ces enfants morts pour la liberté.
Et pourtant, nous sommes là, encore, aujourd’hui. Nous sommes toujours aussi nombreux autour de notre monument aux morts. 99 ans après 14-18 & 147 ans après 1870, alors qu’une seconde Guerre Mondiale est passée entre-temps, alors qu’acteurs et témoins ont tous disparu, la ferveur du 11 novembre ne faiblit pas.
Notre commune elle-même a payé un lourd tribut à celle qu’on pensait alors être le « der des der ». Les trois quarts des noms inscrits sur notre monument aux morts ne sont ‘ils pas de 14-18 ?
Souvenons-nous qu’ 1 400 000 français et un million d’anglais et d’irlandais qui s’étaient opposés aux Allemands dans les tranchées manquaient malheureusement à l’appel.
Rien que dans le carnage de la bataille de la Somme 20 000 soldats Britanniques furent tués durant la seule journée du 1erJuillet 1916.
C’est précisément quand tous les témoins ont disparu qu’il faut prendre garde que l’Histoire n’anéantisse pas le souvenir, mais au contraire le vivifie.
Comme nos ancêtres, au retour des tranchées, il faut être plus que jamais résolu à ce qu’une telle épreuve ne se reproduise pas.
Commémorer le 11 novembre 1918, c’est accomplir notre travail de mémoire vis-à-vis de ceux qui nous ont légué les valeurs de courage pour la défense de la Nation et de la République, mais aussi celles du pacifisme.
C’est également espérer, à travers leurs engagements, dans un avenir que l’on souhaite toujours meilleur et solidaire.
N’oublions jamais de reprendre et de revendiquer sans cesse les symboles de notre République Française que sont la Liberté, L’Egalité et la Fraternité.
L’idée Républicaine de la nation c’est une vocation émancipatrice et progressiste de la France, ce qui est le contraire du nationalisme.
Il n’est donc pas vain d’associer à ce souvenir les batailles quotidiennes que nous devons mener ici aussi à la Croisille pour combattre, sans relâche, ce qui divise : l’indifférence, l’intolérance, la xénophobie et le racisme, l’individualisme et le repli sur soi.
Rappelons-nous aussi que 14-18 fut une sorte de revanche de 1870, et que contre l’incurie de ceux qui gouvernaient avec l’Empire La France à l’époque,
Ayons une pensée pour celles et ceux qui dans plusieurs villes de France dont Paris et Limoges se levèrent et se révoltèrent avec la commune, notamment pendant la semaine sanglante du 21 au 28 Mai 1871.
N’oublions pas que les fondements des idées de notre République viennent de là. C’est la commune qui inspira la séparation de l’Eglise et de l’Etat qu’elle avait appliquée et conséquemment la laïcisation de l’enseignement et que tout cela amena la chute de l’Empire et l’avènement de la République.
Souvenons-nous de Léonard THOUMIEUX enfant du pays, natif de St Gilles-les-forêts, à la forêt basse, mort sur les barricades à Paris, souvenons-nous d’ Eugène POTTIER, Jules VALLES, Louise MICHEL, et bien entendu de Jean Baptiste CLEMENT qui lui-même a combattu pendant la semaine sanglante de fin mai 1871.
Il est l’auteur de cette belle chanson, Le Temps des Cerises, qui n’a pas pris une ride 140 ans après et qui est devenue une vraie chanson populaire une chanson de nos racines républicaines et que les poilus de 14 chantaient en montant à Verdun ou aux chemins des dames, que nous entendrons après mon intervention et avant les hymnes nationaux.
Soyons dignes des sacrifices consentis par nos combattants de 1870 et de la Grande Guerre de 1914-1918, de leur dévouement sans faille.
Rêvons ensemble du jour où le retour à la paix ne sera plus seulement, comme l’écrivait Jean GIRAUDOUX, « l’intervalle entre deux guerres », mais plutôt comme l’avait voulu le philosophe Emmanuel KANT, « l’aube d’une paix perpétuelle ». Que le souvenir du sacrifice des combattants de ces guerres renforce encore notre détermination à œuvrer pour la paix.
Souvenons-nous que l’expérience de la vie aide un homme à se bâtir et que l’expérience de l’histoire aide un peuple à se construire.
Aussi je terminerai par cette citation de Victor Hugo « La Guerre, c’est la guerre des hommes, la Paix, c’est la guerre des idées »
Restons vigilants et transmettons notre histoire ici et maintenant.
Vive la Paix.
Vive la République.
Vive la France.
Jean-Gérard Didierre le 11 novembre 2017