« N’y a-t-il pas de meilleur emploi au dévouement d’un peuple que la ruine des autres peuples ?Faut’il que le plus fort rêve perpétuellement de faire peser sur les autres son ombre orgueilleuse, et que les autres perpétuellement s’unissent pour l’abattre ? A ce jeu puéril et sanglant, où les partenaires changent de place tous les siècles, n’y aurait-il jamais de fin, jusqu’à l’épuisement de l’humanité ? »
Formulées en septembre 1914 par Romain Rolland, ces questions expriment le désarroi et tout à la fois une extrême lucidité devant le déclenchement de la grande guerre.
C’était il y a plus de cent ans, à ce moment de l’histoire où le destin de l’Europe bascule.
C’était il y a 115 ans et pourtant ces mots résonnent encore à notre monde contemporain.
Jean Jaurès assassiné, ils étaient alors peu nombreux, comme Romain Rolland, à oser encore plaider pour la paix.
La plupart des soldats pensaient que la guerre ne durerait que quelques semaines, convaincus qu’ils seraient de retour pour Noël.
Ce fut quatre années d’un interminable cauchemar.
10 millions de morts, deux fois plus de blessés ! C’est une génération entière qu’on allait sacrifier comme ici à La Croisille, dont vous avez entendu tout à l’heure les 103 noms de ceux qui moururent pour notre liberté, et rappelons-nous aussi que parmi les survivants, il y eut quelques 6 millions de mutilés.
Jamais une guerre n’avait été si violente. Jamais les civils n’avaient autant souffert, subissant bombardements, famines, exactions, ou se sont retrouvés des réfugiés dans leur propre pays.
C’était la première guerre totale de l’histoire.
On a décrit cent fois le funeste engrenage qui avait conduit l’Europe au chaos.
Mais on a beau décrire les mécanismes à l’œuvre, il reste difficile de comprendre vraiment comment l’Europe a pu se jeter avec une telle démesure dans l’autodestruction.
Souvenons-nous qu’ 1 400 000 français et un million d’anglais et d’irlandais qui s’étaient opposés aux Allemands dans les tranchées manquaient malheureusement à l’appel.
Rien que dans le carnage de la bataille de la Somme 20 000 soldats Britanniques furent tués durant la seule journée du 1erJuillet 1916.
D’avril à octobre 1917, il y a 102 ans, Le chemin des dames vit un échec sanglant ou l’armée française ne fut pas la seule à se sacrifier.
Aux prix de lourdes pertes, les Canadiens menèrent l’offensive à Viny, Les Britanniques à Passchendaele, tandis que les italiens furent vaincus à Caporetto,
Cela doit nous inviter à redoubler de vigilance.
Car se souvenir, c’est aussi préparer l’avenir et tirer les leçons du passé.
Le souvenir de la grande guerre doit imprimer, dans nos consciences d’aujourd’hui, la volonté que ne se reproduise pas demain un enchainement des nationalismes qui conduirait au chaos.
Car tout peut aller très vite. Les poilus qui revenaient des tranchées s’étaient juré que c’était bien « la der des der »
Et pourtant, vingt ans après la même tragédie recommençait, plus intense encore.
Même quand les menaces de conflit armé sont lointaines, nous ne devons pas oublier que la paix est fragile.
La paix se mérite et se protège en permanence.
C’est à chacun d’entre nous de veiller à ce que les bruits de bottes restent enterrés dans les limbes de l’histoire.
Témoins lointains de ce conflit mais acteurs de notre temps, soyons les garants d’une paix durable sur notre continent.
Restons vigilants et transmettons notre histoire.
Vive la Paix.
Vive la République.
Vive la France.
Jean-Gérard DIDIERRE
La Croisille le 11 Novembre 2019